- Transit 6, 1999 HBF, Cologne / Gare du Nord, Paris Projet de performance Transit, Marseille
- Transit 3, 1996 Gare de Lyon, Paris
- Transit 6, 1999 HBF, Cologne / Gare du Nord, Paris Projet de performance Transit, Marseille
- Transit 5, 1997 Düsseldorf airport, Germany
- Transit 2, 1996 Charles de Gaulle airport, Paris, France
- Performance Transit 1, 1996 Roissy Charles de Gaulle airport, Paris, France
- Transit 8, 1999 Helsinki Airport Transit 4, 1996 Aéroport de Lyon-Satolas, France
- Transit 7, 1999 Lambarene, frontière Gabon / Cameroun
- Transit 8, 1999 Helsinki Airport Transit 4, 1996 Aéroport de Lyon-Satolas, France
TRANSIT 1
At a time when I often had to make flight transfers at Roissy-Charles de Gaulle airport, the police systematically searched me. It seemed as though policemen took sheer pleasure in rummaging through my suitcases. So I had the idea of giving them a real opportunity to exercise their talent. I had spent a few days in Cameroon. Just before returning to France, I sculpted three suitcases out of solid wood which I took as luggage. When I arrived in Roissy, to the astonishment of the passengers and children in particular, I placed my suitcases on my trolley. The children’s surprise and excitement ended up creating a little group around me which alerted the security. And so security guards arrived and took me straight to the transport police, who then took over and escorted me to the customs office. There, the police started literally scrutinising my luggage and wanting to open everything. They subjected these three wooden suitcases to an impressive arsenal: X-rays, ultraviolet lights, lasers, and then they scanned the three suspect objects on their computer screen. This check took two hours.
À une époque où je transitais souvent pas l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, la police me fouillait systématiquement. Apparemment, les policiers prenaient un malin plaisir à fouiller mes valises. Cela m’a donné l’idée de leur offrir une nouvelle occasion d’exercer leur talent. J’étais allé passer quelques jours au Cameroun. Juste avant de rentrer en France, j’ai sculpté trois valises en bois massif que j’ai emportées comme bagages. À mon arrivée à Roissy, sous le regard étonné des voyageurs et surtout des enfants, je mets les valises sur mon chariot. L’étonnement et l’excitation des enfants ont fini par créer un attroupement, ce qui a alerté les services de sécurité. Arrive donc le service d’ordre qui m’emmène directement au service de la police, lui-même prenant le relais pour me conduire au service des douanes. Là, la police se met littéralement à ausculter mes bagages et à vouloir les ouvrir. Pour ces trois valises en bois, ils ont déployé un arsenal impressionnant : rayons X, torches lumineuses, laser et affichage des trois objets suspects sur écran d’ordinateurs. La vérification dura deux heures.
TRANSIT 2
On 3 July l996, I was at Roissy-Charle De Gaulle airport waiting to leave for Berlin. Not long before, I had bought a cartridge belt in the flea market and I didn’t really know what to do with it. At that time I went to the gym a lot. I thought to myself: with my build, if I go through customs with this cartridge belt, I am sure to get noticed. In order to enhance my appearance as a suspicious passenger, I shaved, I bought a tight-fitting t-shirt and army trousers. I went to Roissy dressed this way. The inevitable happened. Three people from the security service stopped me and asked me to follow them. When I asked them why, they responded: “Because you look shifty”. I then found myself alone with them in a ground floor room. There they asked me what I had in my cartridge belt. I replied that they were Carambars, but clearly they were having trouble believing me. Therefore they started to scrutinise each stick of toffee in great detail, fiddling with them and putting them through the X-rays… Unperturbed, I ate one or two in order to confirm what I had just told them… After 20 minutes of tests, they had to accept what was evident: they really were face to face with Carambars. My plane was on the verge of taking off when I joined the other passengers.
Le 3 juillet 1996, je me trouve à l’aéroport d’Orly en partance pour Berlin. Quelque temps auparavant, j’avais acheté une cartouchière aux puces dont je ne savais pas vraiment quoi faire. À cette époque, je faisais un peu de culture physique. Je me suis dit : « Avec mon gabarit, si je passe la douane avec cette cartouchière, je suis sûr de me faire repérer ». Pour affiner mon look de passager suspect, je me suis rasé, j’ai acheté un tee-shirt moulant et un pantalon treillis. C’est dans cette tenue que je me suis rendu à Orly. Ce qui devait arriver, arriva. Trois personnes du service de sécurité m’ont interpellé et m’ont demandé de les suivre. Lorsque je leur ai demandé pourquoi, ils m’ont répondu : « Parce que vous avez l’air louche » ? Je me suis donc retrouvé seul avec eux dans une salle au sous-sol. Là, ils m’ont demandé ce que j’avais dans la cartouchière. J’ai répondu qu’il s’agissait de carambars, mais visiblement, ils avaient du mal à y croire. De ce fait, ils se sont mis à scruter chaque bonbon dans les moindres détails, à les triturer, à les passer aux rayons X… Imperturbable, j’en ai goûté un, puis deux, histoire de confirmer ce que je venais de leur dire … Après vingt minutes de contrôle, ils ont dû se rendre à l’évidence : ils se trouvaient véritablement en présence de carambars. Mon avion était sur le point de décoller quand j’ai rejoint les autres passagers.
TRANSIT 3
During the summer of 1996, I went to the police headquarters of the Isère region in order to hand over the four identity photographs required to obtain a residence permit. My face is perfectly legible: my flat nose, my two big eyes, my big cheeks and the scar I have had for a few years. One month later, I was summoned to collect my card. I then discovered that I am totally black, that my face forms a smooth black mass, a silhouette in which the details of my face don’t appear. I am told that the finish of the photograph is due to the use of new technical procedures that now enable residence permits to be digitised. Several days later, I left Grenoble to go to Germany. Having arrived at the Gare de Lyon in Paris, the police stop me. That summer, spot-checks were frequent because France had experienced a wave of attacks. One of the police officers uses his walkie-talkie to check whether or not the information on the card he has in his hand corresponds with the number of my residence permit. Once he has checked this, he asks me who is on the photo. I say that it is me. To this he retorts: “Sir, I am sorry but we can’t see who is on this photo. How do I know it isn’t Little Black Sambo?” He actually said, “Little Black Sambo”. He insists then that they need to identify me and that until further notice I am an “unidentifiable individual”… That is how I found myself at the police station with a number of people who were there for various offences. After a while, an officer came towards me and asked me why I was there: “Because I am all black on my residence permit and they don’t believe it is me.” Telephone checks start all over again. Once these formalities are out of the way, he indicated that I could leave.
Au cours de l’été 1996, je me rends à la préfecture de police de l’Isère afin de remettre les quatre photos d’identité nécessaires à l’obtention de ma carte de séjour. On discerne parfaitement mon visage : mon nez épaté, mes yeux globuleux, mes grosses joues et la cicatrice que je porte depuis quelques années. Un mois après, je suis convoqué pour retirer ma carte. Je découvre alors que je suis tout noir : ma tête forme un bloc lisse et noir, une silhouette sur laquelle les traits de mon visage n’apparaissent pas. On m’explique que ce rendu photographique est dû à l’utilisation de nouveaux procédés techniques qui permettent désormais d’informatiser les cartes de séjour. Quelques jours après, je quitte Grenoble pour me rendre en Allemagne. Arrivé à la Gare de Lyon, à Paris, je me fais contrôler par la police. Ce même été, les contrôles étaient fréquents car la France venait de connaître une vague d’attentats. L’un des policiers vérifie par talkie-walkie si les informations inscrites sur la carte qu’il a en main correspondent au numéro de ma carte de séjour. Une fois ces vérifications faites, il me demande qui est sur la photo. Je lui réponds que c’est moi. Ce à quoi il réplique : « Monsieur, vous m’excuserez mais on arrive pas à voir qui est sur la photo. Qui me dit que ce n’est pas Mamadou ? » Il avait bien dit « Mamadou ». Il me précise alors qu’ils ont besoin de m’identifier, et que jusqu’à nouvel ordre je suis un individu non identifiable … C’est ainsi, que je me suis retrouvé au commissariat avec un certain nombre de personnes qui étaient là pour divers délits. Au bout d’un moment, un agent vient vers moi et me demande pourquoi je suis ici : « Parce que je suis tout noir sur ma carte de séjour et qu’on pense que ce n’est pas moi.» Les vérifications par téléphone ont alors recommencé. Ces formalités faites, il m’a signifié que je pouvais partir.
TRANSIT 4
On 12 November 1996, I am at Satolas airport in Lyon. My destination is Yaoundé, via Brussels. Not long before, I had acquired a walking stick which I had entirely covered with the copper wire used in car motors or in ventilation systems. This stick could not go unnoticed. Therefore I took it with me to Satolas. To complete the picture, I had dressed up as an old man. During the identity check, the police noticed that my posture and outfit didn’t really tally with the 27-year-old registered in my documents. On top of that, the officers know full well that certain substances can be hidden in a stick. So I rapidly found myself surrounded by four policemen. It is clear that this stick is made of solid wood and conceals no viruses or secrets. Nevertheless, they kept at it relentlessly, trying to force it open from each angle. Physical effort proving useless, they then opted for a more scientific, more clinical approach. In fact, they placed the stick on a table as if it were a patient on a hospital bed. Leaning over the stick, the four men started to examine it meticulously with small laser beams. The scientific method proved as useless as brute force. They let me go.
Le 12 novembre 1996, je suis à l’aéroport de Satolas à Lyon, destination Yaoundé via Bruxelles. Quelque temps auparavant, j’avais récupéré une canne de vieillard que j’avais ensuite complètement recouverte avec du fil de cuivre, du type de ceux que l’on trouve dans les moteurs de voitures ou les bobines de ventilateur. Cette canne ne pouvait pas passer inaperçue. Je l’ai donc prise pour me rendre à Satolas. Pour compléter le tableau, je m’étais habillé en vieillard. Lors du contrôle d’identité, la police remarque que mon maintien et ma tenue ne correspondent pas la police sait très bien qu’on peut dissimuler certaines substances dans une canne. Je me retrouve donc très vite au milieu de quatre policiers. De toute évidence, cette canne était en bois plein, sans virole et sans cachettes. Malgré cela, ils se sont acharnés sur elle en essayant de la forcer de tous les côtés. L’effort physique ne donnant rien, ils ont alors opté pour une technique plus scientifique, plus chirurgicale. De ce fait, ils ont posé la canne sur une table comme on allonge un malade sur un lit d’hôpital. Penchés autour de la canne, les quatre hommes ont commencé à l’ausculter méticuleusement avec de petites torches laser. La méthode scientifique s’avéra aussi inefficace que la méthode forte. On me laissa partir.
TRANSIT 5
At one point, I often commuted between France and Germany. I had just finished sculpting a very heavy hard-hat out of acacia wood, with a big X sign on the front that alluded to Malcolm X. Wearing this solid wooden helmet, I arrive at Düsseldorf airport. I get through German customs without trouble… The police don’t bat an eyelid. All is well. I get on the plane. I settle down. Suddenly everything gets complicated. A steward comes towards me and asks me to take my hat off. Apparently, unlike the security guards, the flight attendants consider someone wearing a wooden hat as potentially dangerous. I ask him why – to which he answers that I must remove it. I indicate someone sitting in front of me wearing a cap and express my surprise that they can keep theirs on their head. Furious, the steward reiterates his request without giving more explanations and adding that the plane will not take off until I have removed the hat. The conversation was starting to go around and around in circles… passengers then took sides: the plane had to take off; some pleaded an important meeting, others a connecting flight… Discontent was growing… I ended up relenting. The moment I put the hat by my side, the engine started up.
À une époque, je faisais souvent la navette entre la France et l’Allemagne. Je venais de terminer une casquette très lourde, sculptée dans du bois d’acacia avec un grand « X » , sur le devant, qui faisait référence à Malcon X. C’est donc coiffé d’une casquette en bois massif que je me présente à l’aéroport de Düsseldorf. Je passe par la douane allemande sans encombres… La police ne sourcille pas. Tout va bien. Je monte dans l’avion. Je m’installe. Soudain, tout se complique. Un steward vient vers moi vers moi et me demande d’enlever ma casquette. Apparemment, contrairement aux services de sécurité, le personnel de bord venait de juger qu’un individu portant une casquette en bois pouvait être dangereux. Je lui demande pourquoi; ce à quoi il me répond sèchement qu’il faut l’enlever. Je lui désigne alors une personne assise devant moi et justement coiffée d’une casquette en m’étonnant du fait qu’elle soit autorisée à la garder sur sa tête. Excédé, le steward réitère sa demande sans donner plus d’explications et me précise que de toute façon l’avion ne décollera pas tant que je n’aurai pas enlevé ma casquette. La discussion commençait à tourner en rond… Les passagers ont alors pris part au débat : l’avion devait absolument décoller, certains invoquaient une réunion importante, d’autres une correspondance… La grogne montait… J’ai fini par céder. Au moment où je déposais ma casquette à mes côtés, les réacteurs se mettaient en marche.
TRANSIT 6
On 18 January 1999, in Cologne, I board the TGV-Thalys high-speed train to Paris. I am wearing a City of Paris dustman’s uniform – a brand new one. I am sitting on seat 84, in coach 27… in the middle of the coach, where four people can sit and face each other. Seats 82, 83 and 85 are occupied; mine is free so I sit down. Within minutes, my neighbours leave their seats to sit further away… One hour later, near Aix-la-Chapelle, an inspector arrives and says: “Sir, you are not allowed to travel in this uniform.” Surprised, I ask him why and whether there is an appropriate outfit to wear on the Thalys… My ticket is in order, I am sitting calmly, but clearly my dustman’s suit is incompatible with the Thalys businessmen’s wear. After talking for several minutes, he tells me that I am making people uneasy and asks me to get off at Aix-la-Chapelle. Had the occupants of seats 82, 83 and 85 complained? Did they get up because of my outfit? Because I am a dustman? I have no idea… The thing is that the inspector is still there, in front of me, losing his patience. Obviously I refuse to comply. Furious, he declares that, once in Brussels, security guards and the police will deal with me. Following his intimidation tactics through, he takes out his phone and walks away so I can’t hear the conversation… I can’t tell if he is phoning Brussels but I do hear him say that I am refusing to get off… Of course, nobody came on at Brussels station and I didn’t see that inspector again. Thus I finished the journey alone, with no interruption, in a practically empty coach 27.
Le 18 janvier 1999, à Cologne, je monte dans le TGV Thalys, en direction de Paris. Je suis habillé dans la tenue des éboueurs de la ville de Paris, une tenue flambant neuve. J’ai la place 84, voiture 27… Au milieu de la rame, là où quatre personnes peuvent s’asseoir face à face. Les sièges 82, 83, 85 sont occupés, le mien est libre, je m’assois. Dans les minutes qui suivent, mes voisins quittent leur place pour aller s’asseoir plus loin… Une heure après, à hauteur, à hauteur d’Aix-la-Chapelle, un contrôleur arrive et me dit : « Monsieur, vous n’avez pas le droit de voyager dans cette tenue.» Etonné, je lui demande pourquoi, je lui demande s’il y a une tenue appropriée pour prendre le Thalys… J’ai un billet en règle, je suis assis tranquillement, mais visiblement la tenue des éboueurs de la ville de Paris est incompatible avec celle des hommes d’affaires du Thalys… Après quelques minutes de discussion, il me dit que je mets les gens mal à l’aise et me demande de descendre à Aix-la-Chapelle. Les occupants des places 82, 83 et 85 s’étaient-ils plaints ? Se sont-ils levés à cause de ma tenue ? À cause de ma condition d’éboueur ? Je n’en sais rien… Toujours est-il que le contrôleur est là, devant moi, en train de perdre patience. Bien entendu, je refuse d’obtempérer. Excédé, il me déclare qu’à Bruxelles, le service de la sécurité et de la police vont s’occuper de moi. Poursuivant sa logique d’intimidation, il prend son téléphone, s’éloigne pour que je ne puisse pas entendre la conversation… Je ne parviens à savoir s’il téléphone à Bruxelles, mais je l’entends dire que je refuse de descendre… Évidemment, en gare de Bruxelles, personne n’est monté et je n’ai plus revu ce contrôleur. J’ai donc fini ce voyage, seul, sans être importuné, dans une voiture 27 quasiment vide.